Bien avant l’émergence de toute forme d’humanité, le trait commun à la plupart des organismes vivants était déjà l’évolution.
Quelle qu’en soit la nature, qu’elle soit consciente ou non, individuelle ou collective, le phénomène principal qui la conditionne reste la faculté que déploient ces organismes à s’adapter en permanence aux nécessités que leur dicte leur environnement.
Cette propension volontaire ou naturelle à l’adaptation, qui consiste à rechercher des réponses (solutions) en adéquation avec des besoins (problèmes), traduit de fait une certaine forme de qualité, qui n’est pas toujours maîtrisée.
Lorsque cette règle fondamentale n’est pas respectée, ces organismes sont voués à disparaître ou à se marginaliser en végétant.
Ce dernier point n’exclut d’ailleurs pas systématiquement la qualité ; pour preuve le travail de certains maîtres-artisans, dont les savoir-faire découlent de pratiques ancestrales et sont très prisés, mais n’aboutissent aujourd’hui qu’à des produits rarement accessibles au plus grand nombre.
Quant à la vie de l’entreprise, notre client, elle dépend directement de la capacité qu’auront les individus qui la composent, à tous les niveaux, à en assurer la pérennité et n’aura d’autres choix que de se doter des moyens lui permettant d’être performante et compétitive sur le ou les marchés qu’elle ambitionne de conserver ou de conquérir.
L’un de ces moyens consiste à recourir non pas à la seule qualité, qui, il faut avoir l’honnêteté et surtout l’humilité de le reconnaître, existait bien avant les qualiticiens ; de recourir, dis-je, aux qualiticiens, qualitologues, consultants et/ou auditeurs qualité que nous sommes. Le titre importe peu, à l’impérative condition d’être formés et qualifiés, ainsi que reconnus comme exerçant un métier, pour ne pas dire des métiers, qui recouvre de multiples facettes, requiert de nombreuses compétences et capacités.
L’amener à constater que nous sommes confrontés aux même réalités de marché, partageant les mêmes enjeux, donc aptes à le comprendre.
N’est-ce pas là, le premier gage de notre bon sens, susceptible de lui donner concrètement confiance, en lui renvoyant sa propre image et de le conforter dans notre capacité à nous remettre en question, face à son organisation, avant de l’engager à faire de même ?
Je m’étonne souvent de la perception qu’ont des professionnels de la qualité, les managers rencontrés dans les différentes strates de l’entreprise.
Nous considérant à divers degrés, non pas comme des spécialistes issus de cette dernière et forts d’expériences vécues, mais plutôt comme des sortes de « conseilleurs » , pas vraiment productifs.
Pire ! Des bâtisseurs « d’usines à gaz » , de doux rêveurs, ou prônant des vérités reposant sur une logique déjà acquise par eux (mais rarement mise en pratique, lorsque ce point se vérifie).
Même s’il s’agit là d’une vision très restrictive et peu réaliste de notre rôle, il n’en est pas moins vrai qu’elle correspond à une image que nous véhiculons et qu’il nous appartient de faire changer pour valoriser notre production.
Cerner les motivations réelles de notre client. Il devrait y avoir là, à chaque fois, pour chacun d’entre-nous, matière à réflexion. Pourquoi souhaite-t-il s’engager dans une démarche qualité ? Le sait-il lui-même ?
La certification, quel que soit le référentiel, est-elle le point de mire ? Son obtention consistera-t-elle simplement pour lui à déployer un étendard, à l’instar de ces dirigeants pourfendeurs de non-qualité, « Croisés » du zéro défaut au nom du « Saint » certificateur et dont la foi ainsi que la ferveur, se limitent fréquemment à faire rédiger par leur représentant, un engagement répondant à une exigence « biblique » fondée, mais dont la portée réelle laisse perplexe les autres acteurs de la qualité, ceux qui doivent ou devront la pratiquer chaque jour ?
S’il le décide, résultera-t-elle logiquement d’une volonté profonde d’amélioration progressive et constante, ayant entraîné la mise en œuvre d’actions communes, bien pensées et bien menées ? A qui allons-nous donner tort… ou raison ?
Notre volonté d’accepter ou de refuser d’intervenir face aux contextes, engage notre responsabilité au plus haut point. Ce choix que nous avons à faire en permanence, n’a de basique que l’apparence.
L’amener à s’interroger sur la valeur ajoutée que ces actions produiront, pour qui et avec quelle contrepartie, afin d’éviter toute duperie vis-à-vis de ses propres clients, de nous qui l’accompagnerons, et en premier lieu, de lui-même.
J’ai encouragé récemment le patron d’une PME faisant travailler une dizaine de personnes, spécialisée dans le domaine de l’affûtage mécanique industriel, à se poser ces questions et à les poser à une partie de sa clientèle. Une clientèle fidélisée depuis longtemps ; constituée de grands donneurs d’ordres de l’aéronautique, de l’armement, ainsi que certains de leurs sous-traitants.
Grand était l’embarras de cet ingénieur mécanicien, exerçant depuis plus de trente années, dont quinze à son compte, ne rechignant visiblement pas à mettre les pieds dans son atelier et les mains à la tâche.
« Je ne comprends pas », me disait-il, « Voilà des sociétés qui me renouvellent leur confiance depuis des années, au vu d’un travail formalisé que j’accomplis pour elles ; qui, pour les rares fois où il n’est pas conforme à celui demandé, est toujours repris conformément à la commande ; et qui se mettent à m’envoyer, sans autres explications, des questionnaires d’évaluation ou des courriers parlant de certification ISO ; que puis-je faire ? »
Eh oui ! Que faire ? Prendre sa retraite, il n’en a pas envie ; pas plus pour lui que pour ses employés.
La démarche qualité existe, elle est formalisée au travers de contrats, de cahier des charges, de commandes. Les clients déclarent être satisfaits. Alors encore une fois, que faire et surtout pour quoi faire ?
A chacun ses réponses ; gageons que celles qui lui seront d’abord apportées par ceux qui l’enjoignent, reposeront plus sur la nécessité d’être certifié parce qu’eux-mêmes le sont, plutôt que sur des critères objectifs de progrès.
Attention pour la qualité et ceux qui en vivent, aux déviances ainsi qu’aux conséquences d’un système perverti, dans lequel une entité qui produit, pourrait péricliter, parce qu’elle refuse de se plier par intelligence ou manque de moyens, à des exigences non fondées. Il nous reste à faire accepter à notre client une réalité différente de celle qu’il perçoit, alors qu’il lui en coûte, en proposant des solutions pertinentes et applicables.
Puis à lui faire prendre la mesure de la progression générée par le travail effectué ; la preuve, élément factuel, indiscutable, confirmant le bien-fondé de notre cheminement mutuel et le degré d’accomplissement de notre mission.
Pour réussir tout cela, il nous faudra savoir l’écouter, pas simplement l’entendre et nous faire écouter de lui, en utilisant en guise de langage, non pas celui du théoricien, qui a son utilité entre spécialistes d’un domaine quel qu’il soit, mais celui du praticien, plus emprunt du pragmatisme qui sied aux réalités quotidiennes auxquelles notre client, l’entreprise, doit faire face.